De retour au pays du beurre salé et le temps que le moteur refroidisse un peu pour se livrer à une analyse « à tiède » du championnat international de 2019…
Si je devais livrer une analyse contemporaine, ou de journalistes, il me suffirait de souligner le résultat final, à savoir une 9ème place mondiale, la deuxième meilleure performance française à un mondial depuis l’existence du Class A (Robert Nagy termina à la 7ème place du mondial 2005 à Sanguinet). Performance intéressante qui en appelle d’autres, même si la marche pour être sur le podium demandera encore beaucoup de travail. Point barre.
Oui mais voilà, je crois qu’il y a bien plus à dire. Epaissir un peu ce débriefing afin de mieux comprendre le palier franchi et pourquoi il y a des raisons de croire que le podium n’est pas si loin que cela…
Tout d’abord cette performance (ainsi que les excellents résultats glanés en avant saison) est devenu possible suite l’acquisition du Class A de Glenn Ashby vainqueur du mondial en 2018 à Hervey Bay en Australie…
Ce bateau si bien préparé, que j’ai su préserver au long de la saison sportive afin d’arriver au top au mondial (merci à Eric pour son accompagnement de classe internationale avec des appendices dont la surface est aussi lisse que la peau d’un bébé). Car il faut ajouter que je n’ai pas eu a déplorer de casse matérielle au long de ces 15 jours de navigation à Weymouth sur un plan d’eau empli de méduses gigantesques qui ont mis à rude épreuve les machines de nombreux concurrents.
J’ai pris le temps d’analyser les conditions météo que j’allais rencontré sur un plan d’eau olympique en passant du temps perché au sommet de l’île de Portland, observer comment les risées descendaient des reliefs et l’influence qu’elles pourraient avoir sur notre terrain de jeu. Ce type d’analyse « micro-météo » est régulièrement riche de renseignements.
Sur le plan physique, au long de l’année, le travail de l’ombre qui fait rarement l’objet d’un article au sein de ce blog. Et pourtant c’est surement le point sur lequel j’ai le plus progressé depuis plus de 2 ans, avec une meilleure endurance, une masse musculaire qui se consolide peu à peu et un poids qui tend à croitre doucement en phase avec les besoins de mon sport, sans venir en porte à faux avec qui je suis et ce que je suis. Et au delà de l’aspect sport-santé, un mieux être au quotidien qui éloigne des blessures (merci à François Bonnod pour son encadrement de haut niveau). Sans compter tout le travail fourni en récupération avec le sommeil toujours à protéger, les massages ayurvédiques (merci Dominique Valentine et Laura Roué), les séances de physiothérapie régulières (merci à Robert Sarzeaud). Bref prendre soin de soi et de son corps au service de ma santé et de ma performance !
Un esprit sain dans un corps sain. Le mental est un point que j’évoque souvent, car je suis persuadé qu’il s’agit certainement celui sur lequel j’ai le plus progressé depuis que je m’y intéresse en 2007 ! (merci à Nicolas Ducomte pour son accompagnement de haut niveau)
L’enjeu de ce mondial était de réussir à développer mon côté « casse-cou » tout en m’affirmant comme leader au sein de la flotte de Class A. Beaucoup de commentaires m’ont été fait sur un début de championnat « poussif » voire raté ! A cela je répondrai qu’un championnat mondial est long, très long. Aussi il convient de garder la tête froide voire très froide, car il est vrai qu’à l’issue de la première journée je me positionnais à la 28ème place. Pour autant j’avais bien des raisons concrètes d’espérer une évolution franche de la situation. En effet, la veille dans la course d’entrainement j’avais réussi en naviguant propre dans un vent médium à prendre une 5ème place, à la faveur d’une analyse météo pertinente, d’une vitesse de fond à la hauteur de l’enjeu. Restait plus qu’à faire s’aligner les planètes. Dans un vent évanescent qui jouait avec les nerfs de tout le monde. Pour rappel, le futur champion du monde finissait cette première course du championnat…dernier !
Et puis « A vaincre sans panache, on triomphe sans gloire ! », car dans ce vent léger la clé est d’avoir la possibilité ou non de faire voler au portant notre bolide. Et à ce petit jeu là, le premier jour il ne fallait pas (à postériori) voler et le lendemain dans des conditions quasi similaires il aurait fallu voler. Seulement sur ces 2 régates je me suis retrouvé à contre-temps ! Et petit à petit j’ai resserré mon jeu afin d’optimiser les prises de risques, d’améliorer constamment l’intensité de l’engagement lors des départs. Car avoir du vent frais lors des premiers bords est essentiel, et désormais il convient de se positionner en ayant un maximum de place sous le vent lorsque des conditions de vol apparaissent au près. Et dire qu’il y a quelques années, je lisais dans des revues « sérieuses » que les pratiquants du catamaran n’étaient pas des régatiers accomplis Vs des pratiquants de supports « lents ». Bref lorsque je regarde la somme de compétence à acquérir pour être performants avec nos engins survitaminés, je m’inscris en faux avec cela, et plutôt deux fois qu’une ;-).
Le déroulement du championnat n’est alors qu’une succession de courses au cours desquels je mettrai de plus en plus d’intensité, de justesse dans les gestes, et poursuivant la découverte de ma « machine de guerre », j’en comprendrai encore un peu plus le fonctionnement intime, celui de la haute vitesse ! Et découvrant qu’il existe ensuite de cela un mode « très haute vitesse »…
C’est le propre de ces événements à part que de nous faire passer sous des fourches caudines…D’être en difficulté et ainsi (pour ceux d’entre nous qui ne baissent pas les bras !) de trouver des solutions, des attitudes nouvelles. Aussi je me souviens en 2008 avoir découvert et créer pour moi même le mode « transparent » qui consiste à naviguer en ignorant un concurrent direct physiquement proche. Alors sur ce championnat, j’ai fait parlé le « silence » en moi, et de créer les conditions d’un calme mental alors que sur les flots la tempête fait rage. Et pour comprendre un peu mieux ce que je vis lorsque mon avion est en vol de « croisière », le bruit du vent « vitesse » (parfois à près de 30kts soit 55km/h) est si intense dans mes oreilles que je n’entends rien d’autre, pas même les bruits émis par mon bateau ! Ajoutant un peu plus de sel à cette dramaturgie 🙂 .
Une mention spéciale à Bertrand Dumortier, mon entraineur cette année qui aura su me permettre de fluidifier et simplifier mon approche d’une régate en catamaran volant. Et de me faire sortir de ma zone de confort à l’entrainement.
Ce championnat m’aura aussi révéler la haute nécessité de créer des conditions de switch du « passé immédiat intense », et en particulier de la course précédente qui vient de se jouer, et au cours de laquelle l’implication physique et mentale fût maximale – cf cliché 😉
En clair, redescendre sur terre rapidement alors que la tête est encore dans les nuages en vol supersonique…Pour cela il existe des clés mentales facile à mettre en oeuvre sur le principe, encore faut-il se poser pour le faire…bientôt…demain…;-)
Je dois dire que c’est assez nouveau de mettre autant d’intensité physique associée à une disponibilité mentale aussi forte et pour autant grisant. J’en redemande est le moins qu’on puisse dire !
Et d’avoir aussi mis tant d’énergie à assembler ce puzzle si complexe de la performance. Par exemple d’avoir su nouer des partenariats techniques de haut niveau :
- Magic Marine France et Antoine Joubert, afin de naviguer à la bonne température et en sécurité avec combinaison, botillons en néoprène, casque, gilet de sauvetage renforcé, harnais ajustable…
- Fiberfoam et Barbara et Scott Anderson avec un mât sur-mesure, des lattes de grand-voile polyvalente
- North Sails et Gaëtan Aunette pour la Grand-Voile, le moteur surpuissant et si efficace de mon bolide
- Exploder et Jakub Kopilowicz et Gonzalo Redondo
- Europe Technologies et Renan Letourneur pour les pièces customs sur-mesure en réalisation unique
- Agence 15 et Shamy Ravdjee pour son soutien sur la présentation d’un site internet de haut niveau
Et particulièrement fier de représenter l’AFCCA (l’association française de Class A) et son bureau présidé par Jean Darnaude, ainsi que les jaugeurs Stéphane Bérranger et Albert Roturier, la SRV et son président Luc Houdet (Société des Régates de Vannes, club de voile de ma ville de naissance et de cœur !) ainsi qu’une spéciale dédicace à Stéphane Etienne pour ses conseils avisés. Gordon Upton et Paula Kopilowicz pour les photos, et donc les précieux souvenirs.
Alors et c’était à prévoir je suis ressorti de ce championnat avec « un léger coup de barre » sous la forme d’un contre-coup de fatigue. Maintenant que le moteur a refroidi suffisamment, j’ai repris la préparation physique et débute la planification de la suite de mes aventures.
J’en profite aussi, fort de cette nouvelle et enrichissante expérience, pour proposer des conférences à des entreprises intéressées de découvrir plus avant les ressorts cachés d’une performance de haut niveau.
Bref je ne suis pas en reste et ressort grandi d’une telle expérience, galvanisé par mon résultat, surtout par la manière, par l’autorité avec laquelle j’ai construit ce résultat et d’avoir ressenti, touché parfois du doigt l’excellence à laquelle j’aspire. Aussi je suis déterminé à poursuivre ce projet avec de l’intensité afin d’avoir l’opportunité de vivre encore des émotions fortes dans mon sport favori : Le Class A !!!
Espérant vous voir toujours plus nombreux suivre avec ferveur cette aventure sportive. Le plus souvent avec une vision optimiste et positive des situations. Pour autant ne vous méprenez pas, il y a et aura des moments « down » et des coups de mou, alors je ferai en sorte qu’il dure le moins longtemps possible. Je crois profondément que nous sommes êtres de défis, de curiosité, en quête de plaisir et jamais aussi doué que lorsque l’objectif de l’instant est dans le jeu. Le jeu de la régate si simple et si compliqué à la fois…
Merci pour vos encouragements qui ont nourri ma soif pour cette performance de haut niveau. Et une mention spéciale à ma Famille qui me soutient autant qu’elle le peut dans cette folle aventure et sans qui rien ne serait possible !
A très vite pour la suite
Carpe Diem
Emmanuel